Recension Presence Francophone sur Chamoiseau no 81 2014
- Frenand Léger

- 23 oct.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 oct.
Paru en 2014, le numéro 81 de la revue Présence francophone offre un dossier qui vient allonger la liste des études consacrées à l’œuvre de l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau. En plus du dossier présenté par Célestin Monga et Samia Kassab-Charfi, dont on connaît l’intérêt particulier pour l’œuvre de Chamoiseau, ce numéro offre deux varias : un article d’Alexie Tcheuyap sur L’empreinte du renard de Moussa Konaté et un compte rendu de Touriya Fuli-Tullon du livre de Samia Kassab-Charfi intitulé Patrick Chamoiseau (2012).
Auteur de récits fictionnels et autobiographiques, Chamoiseau a reçu plusieurs prix littéraires, dont le Goncourt pour son roman Texaco (1992) et le prix Carbet de la Caraïbe pour le premier tome de sa trilogie autobiographique Antan d’enfance (1993), pour ne citer que deux des plus importants. Également célèbre pour ses essais, Chamoiseau est l’un des principaux théoriciens du mouvement littéraire de la Créolité, dont les idées fondatrices sont présentées dans Éloge à la créolité (1989), un ouvrage manifeste écrit en collaboration avec Jean Bernabé et Raphaël Confiant.
Le dossier « Chamoiseau: Nomadismes et intranquillité » contient sept contributions qui explorent, à partir de différentes approches, l’écriture du champion de la Créolité. Dans la présentation du dossier, Célestin Monga et Samia Kassab-Charfi introduit d’emblée Chamoiseau comme un écrivain qui s’inscrit dans une logique de dépassement de soi et de « désamarre générale » (Monga et Kassab-Charfi, 2014, 5). Selon eux, Chamoiseau « déplante les imaginaires trop étroitement enferrés aux Pays » (ibid.) à partir d’une démarche théorique et poétique qui ouvre « à des perspectives nouvelles du vivre et de la durée insulaires, livrés désormais au “vent des partages du Divers” » (ibid.). D’après Monga et Kassab-Charfi, Chamoiseau assure « le relais de la remémoration » (ibid.) tout en réinventant l’archipel des Antilles et ce faisant il a semble-t-il dépassé en quelque sorte l’Indigénisme, la Négritude et l’Antillanité des prédécesseurs haïtiens et antillais. Depuis quelques années, l’auteur d’Une enfance créole, qui s’est fait marqueur de paroles créoles dans Texaco, aurait même, dans un élan humaniste, dépassé sa propre créolité pour tendre plus à l’universel.
Écrite par Kassab-Charfi, le premier article du numéro examine l’œuvre de Chamoiseau à partir de la notion glissantienne de « nomadisme circulaire », qui elle-même se rattache à la théorie de la relation d’Edouard Glissant telle qu’exposée dans la Poétique de la relation (1990) et dans l’Introduction à une poétique du Divers (1996). Dans les réflexions théoriques de Glissant, la notion de « nomadisme circulaire » est rattachée au « concept rhizome », qui est une racine diverse et démultipliée en réseaux, opposée à une racine prédatrice, intolérante et totalitaire. D’où une distinction nette et claire entre le « nomadisme circulaire » et ce que Glissant qualifie de « nomadisme envahisseur ». Selon Kassab-Charfi, Chamoiseau aurait développé toute une poétique du « nomadisme circulaire » qui apparaît en filigrane dans les récits Biblique des derniers gestes (2002), Les neuf consciences du malfini (2009) et L’Empreinte à Crusoé (2012). À ce corpus de récits de fiction, passés au peigne fin pour bien défendre l’hypothèse avancée, s’ajoute Écrire en pays dominé (1997), une œuvre inclassable à cause de son aspect protéiforme. La poétique du « nomadisme circulaire » est en effet expérimentée de manière complexe et très intéressante tant dans le contenu que dans la forme de ce livre. En citant les textes et le nom de tous ces auteurs d’horizons variés et divers qui forment la « sentimenthèque » de Chamoiseau, Kassab-Charfi démontre bien ce nomadisme circulaire textuel à l’œuvre dans Écrire en pays dominé. Parallèlement à ce nomadisme circulaire de contenu, on pourrait aussi insister sur le nomadisme circulaire de forme exprimé à travers une verve discursive désinvolte octroyant une dimension transgénérique à Écrire en pays dominé. Chamoiseau lui-même est bien conscient d’avoir écrit « en circulation, dans un non-linéaire qui commerce avec théâtre et roman, essai méditatif et poésie, texte tournoyant sur mille strates du discours, s’en allant vers une fin qui appelle le début […] 1 » (Chamoiseau, 1997, 309).




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