Recension de « Cette terre mon amour : Une anthologie trilingue de la poésie haïtienne contemporaine »
- Frenand Léger

- 23 oct.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 31 oct.
Éditée par Elizabeth Brunazzi, Denizé Lauture et Eddy Toussaint (Tontongi), This land, my beloved/ Tè mwen renmen an/ Cette terre, mon amour, rassemble près d’une centaine de textes poétiques écrits par 47 poètes et traduits par une quinzaine de professionnels dont la majorité possède au moins une maîtrise universitaire dans le domaine de la traduction ou en études littéraires. Il est intéressant de noter que la diversité de l’équipe des contributeurs, de nationalité et d’origine raciale et ethnique variées, correspond bien au contenu de l’ouvrage qui lui-même adopte une approche plurielle sur les plans à la fois langagier, thématique, formel et stylistique. Les poèmes sont répartis en six sections thématiques précédées d’un avant-propos écrit par Tontongi et Jill Netchinsky, d’une introduction de Elizabeth Brunazzi, et d’une préface d’Edwidge Danticat.
Publiée le 28 octobre 2023 à l’occasion de la journée internationale de la langue et de la culture créoles, cette anthologie trilingue s’inscrit d’emblée dans une démarche de promotion et de valorisation du patrimoine linguistique haïtien, sans exclure les autres langues. Dans cette recension, où l’on s’attend à lire des propos savants sur une anthologie poétique de grande valeur littéraire, je me permets de citer un bref passage d’une chanson populaire récente intitulée « M poko ap bay » de Klass, formation musicale haïtienne très en vogue actuellement. Ce n’est pas tant les thèmes de la sexualité et du mensonge développés dans le morceau ni le style de musique compas joué par ce groupe qui m’intéressent dans le contexte précis de cet exposé. Ce qui m’interpelle dans la chanson, c’est plutôt la réalité sociolinguistique que réflètent les paroles suivantes qui mélangent sans complexe linguistique l’anglais, le kreyòl et le français.
I’m not playing how to get
Se ou k te di m ou pa sou jwèt
Men fason w ap fonksyone
laisser à désirer
Que ce soit dans la diaspora ou sur le territoire national, les Haïtiennes et Haïtiens communiquent et évoluent en fonction de leur environnement langagier. L’usage des trois langues différentes, pour l’expression de ces vers rimés, ne réflète pas seulement la réalité sociolinguistique haïtienne, mais aussi celle d’un monde qui se globalise à un rythme accéléré, ce qui occasionne une grande diversité langagière et culturelle dans presque tous les pays du Nord et du Sud. Selon Calvet, « le monde est plurilingue, c’est un fait 1 ». Que les intégristes nationalistes d’Haïti et d’ailleurs veuillent l’admettre ou pas, on vit dans un monde d’appartenances multiples et d’identités démultipliées, où les compétences plurilingues et interculturelles sont devenues une valeur très appréciable. L’éducation au plurilinguisme, qui relève du respect de la diversité, de l’inclusion et des droits linguistiques de tous, est prônée depuis les années 1990 par le Conseil de l’Europe à travers le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR). La notion du plurilinguisme repose sur une série de principes éthiques et démocratiques qui réflètent la réalité des locuteurs de manière tout à fait objective. Elle prend en compte les compétences réelles des locuteurs qui vivent au contact de plusieurs langues sans négliger les questions liées aux droits de l’homme, à la justice sociale, et à l’interculturalité.



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